Cimetière de Picpus
Le cimetière de Picpus est un des deux cimetières privés de la ville de Paris, avec le cimetière des Juifs Portugais de Paris. Il a été creusé en au fond du jardin d’un couvent dont les religieuses, chanoinesses de Saint-Augustin, ont été chassées deux ans plus tôt, pendant la Révolution française. À l'entrée du cimetière se situe la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix de Picpus. C'est l'un des quatre cimetières du Paris de la Révolution à avoir reçu des corps suppliciés par la guillotine.
Pays | |
---|---|
Région française | |
Commune | |
Adresse | |
Superficie |
2,1 |
Tombes |
2 fosses communes |
Personnes |
1 306 |
Mise en service |
13 juin 1794 |
Abandon |
mai 1795 |
Statut patrimonial | ![]() |
Coordonnées |
48° 50′ 38″ N, 2° 24′ 00″ E
|
Find a Grave |
---|
![]() ![]() |
![]() ![]() |
Le cimetière est inscrit au titre des monuments historiques en 1998[1]. Situé au 35, rue de Picpus dans le 12e arrondissement, il ne se visite que l'après-midi, de 14 h à 17 h, du lundi au samedi (fermé dimanche et jours fériés).
Histoire

Le cimetière est situé sur l'ancien domaine du couvent des chanoinesses de Saint-Augustin (dites aussi de Notre-Dame de la Victoire de Lépante), installé en 1640 par Louis XIII. (Il reste un pavillon de cette époque ainsi que quelques vestiges de la chapelle). En mai 1792, le couvent est fermé et devient bien national. Il est loué au citoyen Riédain qui en sous-loue une partie au citoyen Eugène Coignard.
Les fosses de la Grande Terreur
La guillotine, qui avait été installée d'abord place de la Révolution (place de la Concorde), puis très brièvement place de la Bastille, est installée « place du Trône renversé » (place de l'Île-de-la-Réunion) le 14 juin 1794 (elle y restera jusqu'au 27 juillet). Afin de recueillir les corps des personnes promises à la guillotine, les autorités font creuser des fosses sur l'ancien terrain des chanoinesses, et percer une brèche dans un mur d'enceinte, à partir du 13 juin 1794. Cette brèche devait servir à faire entrer les chariots de cadavres[2].
Place du Trône renversé, la Terreur atteint son paroxysme. Cinquante-cinq personnes par jour y sont exécutées. Âgées de 14 à 90 ans et de toutes conditions sociales, ces personnes sont condamnées par le tribunal révolutionnaire pour leur statut (noble ou religieux) ou pour délit d'opinion.
Du 14 juin au 27 juillet, plus de 1 300 personnes, parisiennes ou provinciales, y perdent la vie (la « fournée » du 13 messidor An II - 1er juillet 1794 - comportait seulement deux cultivateurs, un domestique, un tisserand, un instituteur, un prêtre, un fabricant d’étoffes, un vicaire, un contrôleur des douanes, un épicier, un cabaretier, un soldat autrichien prisonnier de guerre, un infirmier, un garçon meunier). Les victimes, dans leur majorité, étaient des gens du peuple, mais aussi des nobles, militaires, magistrats, prêtres, religieux et religieuses.
La partie Nord-Est du jardin de l'ancien couvent (devenu entre-temps « maison de santé Coignard »[3]) est choisie pour servir de fosses communes aux suppliciés.
Une première fosse commune est creusée et les corps décapités y sont jetés. Nobles, nonnes, marchands, soldats, artisans, ouvriers, aubergistes, etc. mêlés. Une deuxième fosse est creusée quand la première est pleine (une troisième fosse a également été découverte en 1929, mais elle ne contenait pas de cadavres[4]). La chapelle de l'ancien couvent est utilisée par les fossoyeurs comme bureau afin d'inventorier les vêtements dont ils dépouillaient les victimes. La tradition précise que le sol de l'endroit étant argileux, le sang des victimes se putréfiait, provoquant d'atroces odeurs, d'autant que les fosses étaient seulement couvertes de planches jusqu'à leur clôture par de la terre[5].
Les noms des 1 306 personnes qui y sont enterrées sont gravés sur deux plaques de marbre accrochées près du chœur de la chapelle. On compte 1 109 hommes :
- 108 ecclésiastiques (gens d'Église),
- 136 moines,
- 108 nobles,
- 178 militaires (gens d'épée),
- et 579 roturiers (gens du peuple).
Et 197 femmes :
- 51 nobles,
- 23 nonnes (carmélites et religieuses),
- et 123 roturières (femmes du peuple).
Parmi les femmes, seize carmélites de Compiègne, âgées de 29 à 78 ans, sont conduites ensemble à l'échafaud en chantant des hymnes. Elles seront béatifiées en 1906.
Le gouverneur des Invalides de l'époque, Charles François de Virot de Sombreuil, âgé lui-même de 76 ans, est tué pour la seule raison d'être noble. On compte aussi l'ancien maire de Perpignan, Bonaventure Vaquer[réf. souhaitée], et les poètes Jean-Antoine Roucher et André de Chénier. Sur la plaque commémorant le souvenir de ce dernier, on peut lire : « servit les muses, aima la sagesse, mourut pour la vérité ».
Puis, le jardin et ses fosses sont entourés d'un mur.
Réhabilitation

Le domaine est vendu le 19 fructidor de l’an III (5 septembre 1795).
Le 24 brumaire (14 novembre 1796), le petit terrain rectangulaire renfermant les deux fosses communes est acheté en secret par la princesse Amélie de Hohenzollern-Sigmaringen (épouse d'Aloys Antoine, prince souverain de Hohenzollern-Sigmaringen), car le corps de son frère, le prince Frédéric III de Salm-Kyrburg[6], guillotiné en 1794, y repose.
En 1802, une souscription est organisée par la marquise de Montagu pour acquérir l’ancien couvent des chanoinesses ainsi que les terrains avoisinant les fosses communes. Des familles dont les membres avaient été exécutés fondent le Comité de la Société de Picpus pour l'acquisition du terrain, afin d'y établir un second cimetière près des fosses (il n'y a pas de date précise de la fondation de la Société, mais la liste de souscriptions enregistre son premier versement en et elle est close en 1819).
En août 1926, le terrain de l'enclos devient la propriété de la « Société de l'Oratoire et du cimetière de Picpus » (aujourd'hui « Fondation de l'Oratoire et du cimetière de Picpus ») .
Personnalités du comité
Dans une réunion tenue en 1802, les souscripteurs désignent onze d’entre eux pour former le Comité :
- Mme de Montagu, née L. D. de Noailles, présidente
- M. Maurice de Montmorency
- M. Aimard de Nicolaï
- Mme veuve Le Rebours, née Barville
- Mme veuve Freteau, née Moreau
- Mme la marquise de La Fayette, née Adrienne de Noailles
- Mme veuve Titon, née Benserot
- Mme veuve de Faudoas, née de Bernières
- Mme veuve Charton, née Chauchat
- M. Philippe de Noailles de Poix
- M. Théodule de Grammont
Aujourd'hui encore, beaucoup de ces familles nobles utilisent le cimetière comme lieu d'inhumation. On y trouve également des plaques commémoratives en mémoire des membres de ces familles qui ont été déportés et morts dans les camps durant la Seconde Guerre mondiale.
Lieu de souvenir et de prière
Une communauté religieuse dirigée par la Mère Henriette Aymer de la Chevalerie et l’abbé Pierre Coudrin s’installe à Picpus en 1805. Ce sont les Sœurs de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Marie et de Jésus de l’Adoration Perpétuelle (pères et religieuses des Sacrés-Cœurs de Picpus) qui assurent, dès lors, un service à la mémoire des victimes et de leurs bourreaux.
Pendant la commune de Paris, après la semaine sanglante durant laquelle des dizaines de milliers d'insurgés sont massacrés par les troupes légalistes commandées par Thiers, la communauté est de nouveau touchée : quatre prêtres pris en otages sont exécutés par les fédérés.
Sur le prospectus remis aux visiteurs de ce lieu de mémoire, il est précisé : « Comme l'ont voulu les fondateurs, l'on prie ici (...) non seulement pour les victimes, mais aussi pour leurs bourreaux, victimes eux aussi d'une des premières manifestations du totalitarisme opposé à toute dignité humaine. Picpus est également un lieu de méditation et de pardon pour l'excès des hommes égarés par les idéologies matérialistes, et, avec la participation de la Congrégation des Sœurs, un lien d'amour des hommes et de confiance dans l'avenir ».
Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, major général de l'armée américaine, lieutenant de l'armée française, député de Seine-et-Marne, y est inhumé à côté de sa femme, née Adrienne de Noailles (dont une des quatre sœurs, Louise, la mère, née Henriette d'Aguesseau et la grand-mère paternelle, Catherine de Cossé-Brissac, figurent parmi ceux qui furent décapités et jetés dans les fosses communes en 1794).
Son cercueil est recouvert avec la terre qu'il a ramenée de Brandywine. Un drapeau américain, qui flotte en permanence au-dessus de sa tombe est renouvelé tous les 4 juillet, date anniversaire de l'Indépendance des États-Unis. L'ambassadeur des États-Unis vient lui rendre hommage ainsi que des représentants de la Ville de Paris, du Sénat et des communautés d'amitié du « héros des deux Mondes ». (Selon la légende, durant l'Occupation, les Allemands ont laissé le drapeau américain flotter au-dessus de sa tombe, malgré leur état de guerre avec les États-Unis.[réf. nécessaire])
Hommage américain
Le 4 juillet 1917, jour de fête nationale américaine, et dans le cadre des cérémonies destinées à exalter l'alliance de la France et des États-Unis dans leur combat contre l'Allemagne, une délégation américaine dépose une gerbe sur la tombe de La Fayette[7]. Ce geste est depuis lors réédité chaque 4 juillet à l'initiative de la Société des Cincinnati de France et de la Société des Fils de la Révolution américaine.
Localisation et visites
L'entrée du cimetière est située 35 rue de Picpus, dans le 12e arrondissement. La chapelle, où se trouve la liste des victimes, est très simple et tenue par les sœurs des Sacrés-Cœurs. Pleine de finesse, elle est faite de bois sombre et recouverte d'une couronne dorée. Elle porte le nom de la statue de Notre-Dame de la Paix qui tient l'Enfant Jésus sur son bras gauche, et qui est exposée à gauche du chœur. Sculptée vers 1530, offerte par Henri de Joyeuse aux Capucins du monastère de la rue Saint-Honoré, elle a la réputation d'être à l'origine de nombreuses guérisons miraculeuses[8], dont celle dit-on, du Roi-Soleil, guéri[9] d'une des nombreuses maladies dont il souffrait. C'est pourquoi une chapelle plus vaste a été construite, que le roi Louis XIV aurait inaugurée le 7 juillet 1658.
Ce cimetière est l'un des rares cimetières en France où l'entrée est payante[10].
Endroit miraculeux
Le 16 août 1658, Louis XIV témoigne lui-même de sa reconnaissance pour cette guérison dans la chapelle[11].
Tombes célèbres

- La Fayette, mort le , général et homme politique français et américain, héros de la guerre d'indépendance des États-Unis et personnalité de la Révolution française[12]
- 1 306 victimes de la Terreur entre le 14 juin et le 27 juillet 1794 enterrées dans deux fosses communes dont :
- Les Carmélites de Compiègne, guillotinées le 17 juillet 1794
- Jean-Antoine Roucher, poète, receveur des gabelles, guillotiné le 7 thermidor an II (voir la gravure La dernière charrette)
- André Chénier, poète, guillotiné le 7 thermidor an II dans les fosses à Picpus
- Richard Mique, (1728–1794) architecte français, Premier Architecte du roi Louis XVI et directeur de l'Académie royale d'architecture, principal maître d'œuvre des travaux du château de Versailles à la fin du XVIIIe siècle. Guillotiné le 8 juillet 1794. Son fils est également enseveli avec lui.
- Antoine Terray (1750-1794), intendant des finances à Montauban, intendant de Moulins et intendant de Lyon, guillotiné. Son épouse Marie Nicole Perreney de Grosbois (1750-1794).
- Hugues de Baudus, lieutenant civil et criminel du sénéchal de Cahors, guillotiné en 1794
- Alexandre de Beauharnais, époux de Joséphine, future impératrice. Guillotiné le 5 thermidor an II
- Aimé Picquet du Boisguy (1776-1839), général chouan.
- Frédéric III, prince souverain de Salm-Kirburg, Allemand, colonel des troupes allemandes, commandant du bataillon de la Fontaine-Grenelle, frère d'Amélie Zéphyrine de Salm-Kirburg et beau-frère du prince Aloys Antoine de Hohenzollern-Sigmaringen, guillotiné le 5 thermidor an II[13] le même jour que le vicomte Alexandre de Beauharnais.
- Mathieu duc de Montmorency-Laval (1766-1826), ministre des Affaires étrangères, membre de l'Académie française.
- Sosthènes de La Rochefoucauld (1785-1864), IIe duc de Doudeauville, directeur des Beaux-Arts, aide-de-camp du roi Charles X.
- Charles de Montalembert (1810-1870), homme politique et écrivain catholique.
- Sosthènes II de La Rochefoucauld (1825-1908), IVe duc de Doudeauville, ambassadeur de France, bailli de l'Ordre de Malte, député de la Sarthe (1871-1898), président du Jockey Club.
- Armand Ier de La Rochefoucauld (1870-1963), Ve duc de Doudeauville, président du Jockey Club (1919-1963).
- Armand II de La Rochefoucauld (1902-1995), VIIe duc de Doudeauville
- G. Lenotre (1855-1935), membre de l'Académie française, historien de la Révolution. Il a justement écrit l'histoire de ce lieu[14].En cet honneur, il est le seul inhumé dans le cimetière qui ne soit pas membre d'une des familles des suppliciés.
- Claude Hippolyte Terray, comte de Rozières (alias Rosières), né le 22 janvier 1774 à Paris et décédé à Chambéry (Savoie) le 11 août 1849. Il fut préfet de la Côte-d'Or (1815) puis de Loir-et-Cher (1816) et officier de la Légion d'honneur (18 janvier 1818).
- Vicomte Charles Gaspard Pandin de Narcillac (1832-1909), capitaine de cavalerie et chevalier de la Légion d'honneur et son épouse Sara Marie Claude de Mathan, vicomtesse de Narcillac (1862-1949).
- Contre-amiral Louis de Carné (1879-1948), officier de marine, breveté canonnier en 1903, capitaine de vaisseau en 1928.
Accès

Le cimetière de Picpus est desservi par les lignes de métro
Sources
- En respect du Copyright du propriétaire du site « cimetière de Picpus (cimetière révolutionnaire) » (voir ci-après), on citera le nom du domaine.
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Picpus Cemetery » (voir la liste des auteurs).
- « Cimetière de Picpus et ancien couvent des chanoinesses de Picpus », notice no PA75120002, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Cimetière de Picpus (Cimetière révolutionnaire)
- Vie et histoire du 12e arrondissement, Hervas - 1999
- Elle avait été creusée pour ensevelir les futures victimes, mais après le 9 Thermidor, elle resta heureusement vide.
- G. Lenotre, Le Jardin de Picpus, Librairie académique Perrin, Paris, 1928.
- d'une branche de la maison de Salm
- Une brève mentionne cet événement dans Le Nouvelliste du Morbihan : http://recherche.archives.morbihan.fr/ark:/15049/vta523d30dfa48a4/daogrp/0/layout:table/idsearch:RECH_afdb73f835ce7e385b2fa3c10ea2f40b#id:1692909557?center=1862.2405516759436,-1559.0524920986793&zoom=8
- Histoire de cette statue.
- fête de Notre Dame de la Paix, sur le site de la congrégation des sacrés-cœurs
- Vie et histoire du 12e arrondissement, Hervas, 1999.
- Le 4 juillet 1917, quatre mois après avoir débarqué dans la France en guerre, le lieutenant-colonel Charles E. Stanton dit « Lafayette, nous voici ! ». Article sur le site de la Société des Cincinnati de France, phrase attribuée à tort à John Pershing.
- Henri Thirion, Le Palais de la Légion d'honneur, ancien Hôtel de Salm : Dépenses et mémoires relatifs à sa construction et à sa décoration; les sculpteurs Moitte, Roland et Roquet. Étude précédée d'une notice historique sur le prince Frédéric de Salm-Kyrbourg, , 110 p..
- G. Lenotre, op. cit..
Articles connexes
- Conspiration des prisons
- Liste des emplacements de la guillotine à Paris lors de la Révolution française
- Dernier voyage des condamnés sous la Révolution française
- Maison Coignard
- Pension Belhomme
- Maison Blanchard à Picpus
- Cimetière parisien
- Cimetière des Errancis
- Pères et religieuses des Sacrés-Cœurs de Picpus
- Chapelle Notre-Dame-de-la-Paix de Picpus
- Florence de Baudus
Liens externes
- Histoire du cimetière
- Page du site de l'ambassade des États-Unis à propos de la tombe du général de la Fayette (voir sous « 12e arrondissement »)
- Cimetière de Picpus (Cimetière révolutionnaire) consulté le 27/06/2012
Bibliographie
- G. Lenotre, Le Jardin de Picpus, Librairie académique Perrin, Paris, vers 1930
- Florence de Baudus, Le Lien du sang, Éditions du Rocher, 2000
- Portail du catholicisme
- Portail de Paris
- Portail des États-Unis
- Portail de la mort