Huile pour transformateur
L'huile pour transformateur est une « huile isolante pour transformateurs et appareillages électriques semblables pour lesquels une stabilité à l'oxydation normale est requise[1],[2]. » Elle sert également à imprégner l'isolation papier de ces composants[3],[4]. Il s'agit traditionnellement d'huile minérale hautement raffinée[5].
L'huile est un bon conducteur thermique, et sa circulation au travers de radiateurs permet d'évacuer la chaleur produite par les bobines et le circuit magnétique du transformateur[6]. Elle permet aussi l'isolation diélectrique des enroulements entre eux[3]. De ce fait, elle doit posséder un haut niveau d'isolation diélectrique et un haut point d'éclair pour permettre une exploitation en toute sécurité[4]. À cause de leur faible résistance au feu, elles ont été partiellement remplacées par les PCB entre les années 1930 et 1970. Toutefois, à cause de la pollution qu'ils peuvent engendrer, les PCB ont été interdits. Pour lutter à la fois contre les problèmes d'inflammabilité et de pollution des huiles de substitution, ont été développées dans les dernières décennies, les huiles de silicone, les huiles ester synthétique et végétales[4]. Toutefois, pour des raisons économiques, ces solutions sont surtout mises en application dans les transformateurs de distribution et de traction[4],[7].
L'huile perd de ses propriétés diélectriques avec le vieillissement, qui est avant tout causé par l'oxydation et l'hydrolyse, deux phénomènes qui s'accélèrent avec la température[8],[9].
Huile minérale
Composition
Généralités
Les huiles minérales pour transformateur sont principalement composées de quatre familles d'hydrocarbures : les paraffines, les naphtènes, les aromatiques et les alcènes[5]. La paraffine a le défaut de geler rapidement et d'empêcher l'exploitation des transformateurs par grands froids. Si le taux de paraffine est en dessous de 50 %, on parle d'« huile naphténique », s'il se trouve entre 50 et 56 % d'« huile intermédiaire », au-delà d'« huile paraffinique »[10].
Les aromatiques ont un effet sur le vieillissement de l'huile à double tranchant : à cause de l'effet qu'ils ont sur l'oxygène en présence de lumière ils dégradent l'huile[8], d'un autre côté leur production de phénols permet de détruire les radicaux libres sources de vieillissement[10]. Ils stockent le dihydrogène émis par les décharges partielles. Ils sont donc peu présents dans les huiles utilisées dans les transformateurs très sujets au vieillissement, ils sont par contre laissés dans les condensateurs et les traversées isolées. Les alcènes accélèrent également la dégradation de l'huile et sont donc éliminés[5]. Par ailleurs le soufre qui peut être présent dans l'huile doit être enlevé. Il est en effet fortement corrosif[11]. Les furanes, à savoir le 2-Furfural, doivent également être absents[12]. Pour limiter le vieillissement des additifs antioxydants sont ajoutés à l'huile, on parle alors d'huile inhibée, dans le cas contraire d'huile non inhibée[13],[14]. Ces additifs disparaissent avec le temps, il convient donc de les renouveler[5].
Humidité
Une huile pour transformateur se doit d'être particulièrement sèche. La présence d'eau fait décroître de manière drastique la rigidité diélectrique de l'huile[15]. Le cas échéant une pompe avec mécanisme de filtration peut être équipée sur l'appareil pour réduire cette valeur.
Impureté
L'isolation papier du transformateur se décompose avec le temps dans l'huile. Ces fibres font décroître la rigidité diélectrique de l'huile[15].
Huile à base de gaz liquéfié
En 2013, Shell annonce être capable de produire de l'huile synthétique isoparaffinique depuis l'usine de Pearl GTL. L'huile ainsi produite contient très peu de soufre et d'aromatique. Shell revendique que cette huile se dégrade moins vite avec le temps qu'une huile raffinée tout en conservant les mêmes propriétés de conductivité thermique et de fluidité[16],[17].
Propriétés
Viscosité
La viscosité influe sur le transfert de chaleur, et par conséquent la montée en température de l'appareil[23]. Pour une « température minimale de démarrage en puissance » supérieure à −40 °C, elle ne doit pas être supérieure à 1 800 mm2/s[23]. Le point d'écoulement de l'huile est également mesuré. La faible viscosité de l'huile minérale est un avantage pour la dissipation de la chaleur par rapport aux huiles de silicone ou d'esters[24].
Rigidité diélectrique
La rigidité diélectrique doit atteindre des valeurs de 70 kV/2,5 mm[25],[26]. Cette valeur de 280 kV/cm est à mettre en relation avec les 24,4 kV/cm de l'air sous condition normale[27]. La « tension de claquage » est une mesure de sa capacité à résister à une tension électrique dans un appareil[28].
Acidité et stabilité à l'oxydation
Si l'huile pour transformateur n'est pas stable à l'oxydation (action de l'oxygène sur l'huile), des boues et de l'acidité se forme[29]. Les décharges partielles et de forts champs électriques amplifient le phénomène[8].
Point d'éclair
Le point d'éclair de l'huile pour transformateur doit être élevé, supérieur à 135 °C pour des raisons de sécurité[30],[31]. Un dépassement de cette température peut conduire à des incendies voire à des explosions qui peuvent endommager gravement les installations environnantes[32].
Vieillissement
Le vieillissement de l'huile est principalement dû à son oxydation elle-même causée par la présence d'oxygène et d'humidité dans l'huile. La réaction est également très dépendante de la température à partir de 60 °C sa vitesse double toutes les augmentations de 8 à 10 °C[33].
Les effets de l'oxydation, sont une augmentation du facteur de perte électrique (), de la viscosité, de l'acidité, de la corrosivité et de la teneur en eau de l'huile[34]. Sur le plan visuel, l'huile oxydée est plus trouble que l'huile neuve.
Le second facteur de vieillissement est l'augmentation de la teneur en eau qui dégrade les propriétés diélectriques de l'huile. La solubilité de cette dernière augmente avec la température[35]. Les décharges partielles sont une dernière cause de vieillissement par les gaz qu'elles dégagent dans l'huile qui détériorent ses propriétés diélectriques[36].
Pour lutter contre le vieillissement, des pompes munies de systèmes d'assèchement et de dégazage de l'huile ainsi que d'un filtre peuvent être utilisées.
Coût
L'huile minérale est relativement bon marché. Les transformateurs de puissances en contenant des dizaines de milliers de litres, il s'agit un avantage décisif par rapport à ses concurrentes[37].
Désignation
Pour référencer les huiles on utilise un code. La première lettre désigne l'inhibition de l'huile, le U sert pour les huiles non inhibées, le T pour celles faiblement inhibées et le I pour celles inhibées[38]. La « température minimale de démarrage en puissance » suit.
Pollution
Les transformateurs contiennent jusqu'à plus de cent tonnes d'huile. Les huiles minérales ne sont pas très biodégradables, des fuites peuvent donc entraîner des dégâts sur l'environnement en général et la nappe phréatique en particulier[41].
Tests de qualité
Tension de claquage
La mesure de la tension de claquage de l'huile consiste à placer dans l'huile à tester deux électrodes de bronze ou d'acier de forme demi-elliptiques (diamètre 36 mm de largeur et 26 mm sur la profondeur) normalisées à une distance de 2,5 mm l'une de l'autre. Elles doivent être propres et ne pas comporter de cratères dus à de précédentes mesures[42]. La tension est ensuite augmentée à vitesse constante de 2 kV/s jusqu'à l'apparition d'une décharge électrique. La tension atteinte est la tension de claquage. À cause du caractère aléatoire du phénomène provoquant la décharge électrique, la mesure doit être reproduite plusieurs fois (6 dans la norme), en respectant des pauses entre chaque mesure afin de permettre la dissipation des gaz formés lors de la décharge[43]. La dispersion est due aux impuretés, dont la présence ne peut être contrôlée. Cet aspect statistique amène à utiliser les transformateurs à des contraintes électriques toujours très inférieures à la rigidité moyenne pour avoir un coefficient de sécurité élevé[44].
L'étude des phénomènes liés à la tension de claquage de l'huile est assez complexe, de nombreux paramètres entrant en jeu[45]. De plus la grande incertitude statistique rend toute conclusion définitive toujours sujette à caution.
Mesure de l'humidité

Pour mesurer l'humidité présente dans l'huile, on utilise habituellement le procédé de titration Karl Fisher[8].
Mesure de l'acidité
Pour mesurer l'oxydation de l'huile, on mesure son pH. Pour cela la méthode traditionnelle consiste à mesurer la quantité de potasse alcoolique (KOHalc) à ajouter dans l'huile pour la neutraliser. Une méthode plus récente, basée sur un titrage potentiométrique est également utilisée[46].
Autres
- On peut mesurer le facteur de perte électrique () grâce à un montage en pont[47].
- À noter que l'analyse des gaz dissous ne renseigne pas sur l'état de l'huile mais plutôt de celui du transformateur[8].
Huile de silicone
Une huile de silicone est constituée de siloxane polymérisé associé à des chaînes organiques. Les composants sont donc de la forme (…Si-O-Si-O-Si…), alors que pour l'huile minérale c'est (…C-C-C-C…). Un exemple typique est le polydiméthylsiloxane (PDMS) de formule (H3C)[Si(CH3)2O]nSi(CH3)3[48],[49]. On peut faire un parallèle avec les alcanes pour les hydrocarbures.
Les huiles de silicone ont une très bonne stabilité chimique, ce qui veut dire une bonne résistance au vieillissement[50]. De plus, les huiles de silicone ont un point de flamme presque deux fois plus élevé que les huiles minérales, de l'ordre de 300 °C au lieu de 150 °C, ce qui réduit le risque d'explosion des transformateurs de puissances. Leur viscosité est également faible à basse température. Au niveau des désavantages, il semblerait que les huiles de silicones n'assurent pas le même niveau d'isolation diélectrique que les huiles minérales pour de grands volumes. La viscosité à haute température est supérieure à celle des autres huiles[50]. Le coût des huiles de silicone est également nettement supérieur à celui de l'huile minérale (d'un facteur environ 8)[51],[52]. Le manque de retour d'expérience joue également en leurs défaveurs[51]. Une huile de silicone se dilate également plus sous l'effet de la température que l'huile minérale[49]. Elles sont certes inertes, mais difficilement biodégradables[52].
Huile ester synthétique
Les huiles ester synthétique, aussi appelées huiles ester de pentaérythritol ou ester organique, sont une alternative biodégradable aux huiles minérales[53],[54]. Elles sont constituées d'ester de pentaérythritol[55]. Elle peut absorber beaucoup plus d'eau que l'huile minérale, sans que cela ait d'effet important sur le niveau de la rigidité électrique[56]. Ces propriétés d’absorption de l'eau permettent de préserver le papier et ralentissent son vieillissement[57].
Elles ont une bonne tenue électrique[24] et un point d'éclair deux fois plus élevé que pour les huiles minérales[58]. Elles ont une conductivité supérieure à celle des huiles minérales[59]. Elles sont également plus chères (d'un facteur d'ordre 4) que les huiles minérales et n'ayant été introduite qu'après guerre, avec la Reolec 138[réf. souhaitée], on ne disposent que d'un retour d'expérience limité à quelques décennies, moins que pour les huiles minérales[60].
Huile végétale ou ester naturel

Les esters naturels sont constitués de triglycérides (R-COO-R') synthétisés à partir de ricin, de colza ou de tournesol. Ces huiles ne sont pas normées (en 2005) par la Commission électrotechnique internationale (CEI). Au niveau de ses avantages, elle est écologique, très biodégradable, peu inflammable et a une grande solubilité de l'eau. Au niveau de ses défauts, elle ne supporte pas une météo froide : point d'écoulement aux alentours de 20 °C, elle est très visqueuse et surtout elle s'oxyde très vite. Ce dernier défaut peut être compensé par l'usage d'antioxydant, dont les propriétés environnementales sont mauvaises (produit « non vert »)[61].
Tableau récapitulatif
Ci-dessous sont rassemblées les principales qualités recherchées pour une huile de transformateurs. Le remplissage de ces exigences par les différents types d'huile est explicité[22] :
Propriété recherchée | Huile minérale | Ester naturel | Ester synthétique | Silicone |
---|---|---|---|---|
Haute résistance diélectrique | oui | oui | oui | oui |
Faible viscosité | oui | non | non | non |
Point d'écoulement à basse température | oui | non | oui | oui |
Faible oxydation | oui | non | oui | oui |
Possibilité de rerafinage | oui | non | non | non |
Risque d'incendie faible | non | oui | oui | oui |
Stabilité à l'hydrolyse | oui | non | oui | oui |
Solubilité dans l'eau | non | oui | oui | non |
Biodégradable en faible quantité | non | oui | oui | non |
Prix | faible | moyen | élevé | élevé |
Fabricants
Pour les huiles minérales Shell, Nynas sont des noms répandus. CIBA fut après guerre la première société à développer une huile ester synthétique avec le Reolec 138[réf. souhaitée], puis Alstom via leur filiale M&I materials avec la Midel 7131, et récemment Nyco et bien d'autres[60]. Dans le domaine des huiles de silicones, on peut citer Rhodia avec la Rhodorsil 604V50[62]. Enfin pour les huiles végétales, la FR3 de Cooper Power Systems est régulièrement citée[61], tout comme la Biotemp de ABB[63].
Normes applicables
- CEI 60296, Fluides pour applications électrotechniques - Huiles minérales isolantes neuves pour transformateurs et appareillages de connexion, version 2003
- CEI 60156, Détermination de la tension de claquage à fréquence industrielle - Méthode d'essai, version 1995
- ASTM D3487, Standard Specification for Mineral Insulating Oil Used in Electrical Apparatus, version 2009
- ASTM D5222, Standard Specification for High Fire-Point Mineral Electrical Insulating Oils, version 2008
- ASTM D2225, Standard Test Methods for Silicone Fluids Used for Electrical Insulation, version 2004
Notes et références
- CEI 60296, clause 3.1, version 2003
- La norme CEI précise minérale, cependant cette définition est également valable pour les autres huiles pour transformateur.
- Kuechler 2005, p. 287
- Perrier, p. 1
- Kuechler 2005, p. 289
- Perrier, p. 8
- Perrier, p. 88
- Kuechler 2005, p. 290
- Perrier, p. 15
- Perrier, p. 92
- Karsai, Kerényi, Kiss 1987, p. 284
- CEI 60296, clause 6.19, version 2003
- CEI 60296, clause 3.5 et 3.7, version 2003
- « Catalogue Shell pour les huiles de transformateurs » (consulté le 27 mars 2012)
- Kuechler 2005, p. 208
- (de) « Shell stellt neues inhibiertes Premium-Transformatorenöl auf Basis von GTL-Grundölen vor: Shell Diala S4 ZX-I » (consulté le 24 octobre 2013)
- (en) « The benefits of inhibited transformer oils using gas-to-liquids based technology », Berlin (consulté le 24 octobre 2013)
- (en) « Viscosité cinématique de l'ester synthétique Midel 7131 » (consulté le 10 juillet 2012)
- (en) « Viscosité cinématique de l'ester naturel FR3 » (consulté le 10 juillet 2012)
- (en) « Viscosité cinématique des huiles de silicones Rhodia »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le 10 juillet 2012)
- (en) « Fiche technique de l'huile minérale Nynas Nytro 10X » (consulté le 10 juillet 2012)
- (en) « Comparaison des trois types d'huile réalisé par M&I matérials »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le 10 juillet 2012)
- CEI 60296, clause 6.1, version 2003
- Perrier, p. 0
- CEI 60296, clause 6.3, version 2003
- On a tendance à utiliser cette échelle en kV par 2,5 mm à cause de la manière dont est effectuée la mesure de la tension de claquage, on n'a ainsi aucune conversion à effectuer.
- Kuechler 2005, p. 183
- CEI 60296, clause 6.4, version 2003
- CEI 60296, clause 6.12, version 2003
- CEI 60296, clause 6.15, version 2003
- CEI 60296, tableau 2, version 2003
- Perrier, p. 96
- Perrier, p. 17
- Perrier, p. 18
- Perrier, p. 21
- Perrier, p. 25
- Perrier, p. 90
- CEI 60296, clause 5.1.2, version 2003
- (en) « Biodégradabilité de l'ester naturel FR3 en comparaison de l'huile minérale » (consulté le 10 juillet 2012)
- (en) « Biodégradabilité de l'ester synthétique Midel 7131 en comparaison de l'huile minérale et de l'huile de silicone »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le 10 juillet 2012)
- (en) T.V. Oommen, « Vegetable Oils for Liquid-Filled Transformers », IEEE Electrical insulation magazine, Raleigh,
- CEI 60156, clause 4.2, version 1995
- CEI 60156, clause 9.3, version 1995
- Perrier, p. 38
- Perrier, p. 37-45
- Perrier, p. 20
- Perrier, p. 35
- Perrier, p. 104
- « Fiche technique d'une huile de silicone, par Bluestar silicone » (consulté le 3 avril 2012)
- Perrier, p. 105
- Kuechler 2005, p. 292
- Perrier, p. 106
- Perrier, p. 91
- Perrier, p. 102
- Perrier, p. 97
- Perrier, p. 98
- Perrier, p. 101
- Kuechler 2005, p. 293
- Perrier, p. 129
- Perrier, p. 103
- Perrier, p. 110-114
- Perrier, p. 107
- (en) « Brochure sur la Biotemp de ABB » (consulté le 10 juillet 2012)
Liens externes
- « Comparaison des trois types d'huile réalisé par M&I matérials » [PDF] (consulté le 21 novembre 2012)
Bibliographie
- Michel Aguet et Michel Ianoz, Haute tension, vol. XXII, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, coll. « Traité d'électricité », (ISBN 2-88074-482-2, lire en ligne), p. 370
- (de) Andreas Kuechler, Hochspannungstechnik, Grundlagen, Technologie, Anwendungen, Berlin, Springer, (ISBN 3-540-21411-9)
- (de) K. Karsai, D. Kerényi et L. Kiss, Large power transformers, Amsterdam, Elsevier, (ISBN 0-444-99511-0)
- Christophe Perrier, Étude des huiles et des mélanges à base d'huile minérale pour transformateur de puissance - recherche d'un mélange optimal, Lyon, école centrale de Lyon, (lire en ligne)
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