Abattage des poussins et des canetons
L'abattage des poussins et des canetons est le processus de mise à mort des nouveau-nés des volailles domestiques (poules et canards, principalement) lorsqu'ils ne présentent pas d'intérêt dans les processus d'élevage avicole. Il est présent dans les élevages de volailles pondeuses pour la production d’œufs ainsi que dans les élevages de palmipèdes à foie gras. Il est utilisé dans tous les systèmes d'élevage, qu'ils soient en bâtiment (en cage ou au sol) ou en plein air.

En élevage de pondeuses, les poussins mâles sont considérés comme inutiles d'une part parce qu'ils ne pondent pas d'œufs, et d'autre part parce que seuls les reproducteurs des élevages de sélection et des élevages de multiplication sont nécessaires pour fertiliser les œufs. Les poussins mâles produits par les élevages de multiplication sont donc généralement abattus peu après leur éclosion et leur sexage. La plupart des méthodes d'abattage se font sans anesthésie ou étourdissement. Elles incluent la dislocation cervicale, l'asphyxie par le dioxyde de carbone et le broyage mécanique[1].
Historique
Avant le développement de l'élevage intensif, dans lequel les productions de poulets de chair et de poules pondeuses sont menées dans des filières séparées, la plupart des mâles de poule domestique (les coqs et coquelets) étaient élevés, menaient leur vie de reproducteur puis étaient engraissés et abattus pour l'alimentation, tandis que les femelles étaient utilisées pour la production d'œufs. Ce procédé d'élevage, fermier, perdure mais n'a pas vocation à contenter l'immense demande en filets, cuisses et oeufs actuelle.
En conséquence, dans la filière industrialisée de production d’œufs, les poussins mâles sont abattus dès que possible après l'éclosion et le sexage, afin qu'ils n'induisent pas de charges pour l'éleveur (nourriture, logement...). Des techniques spéciales de sexage ont été développées pour déterminer avec précision le sexe des poussins le plus tôt possible. En Inde, par exemple, cet abattage concerne plus de 180 millions de poussins mâles par an[2].
Les canetons sont également abattus dans la production de foie gras. Après l'éclosion, les canetons sont sexés. Les mâles prenant plus de poids que les femelles, celles-ci sont abattues, parfois dans un broyeur industriel. Jusqu'à 40 millions de jeunes femelles canards peuvent être abattues de cette manière chaque année. Les femelles juvéniles qui ne sont pas abattues sont utilisées dans la nourriture pour carnivores domestiques, les engrais et l'industrie pharmaceutique[3].
Méthodes
Plusieurs méthodes sont utilisées pour l'abattage des poussins :
- Broyage : les poussins sont placés dans un grand broyeur haut-débit[1],
- Dislocation cervicale : le cou est brisé,
- Électrocution : un courant électrique passe à travers le corps du poussin,
- Asphyxie : les poussins sont placés dans des sacs en plastique,
- Gazage : le dioxyde de carbone est utilisé pour induire la perte de conscience et la mort[1].
Méthodes recommandées aux États-Unis
L'American Veterinary Medical Association recommande en 2013 les méthodes de dislocation cervicale, de broyage et d'asphyxie par le dioxyde de carbone comme étant les meilleures options[4]. Le conseil exécutif 2005-2006 de cette association a proposé un changement de politique, qui a été recommandée par le comité sur le bien-être des animaux. Elle stipule que « les poussins, dindonneaux, et œufs piqués (pour lesquels le poussins n'a pas réussi à sortir de l'œuf au cours de l'éclosion) indésirables doivent être tués par une méthode humaine acceptable, comme l'utilisation d'un broyeur entraînant une mort instantanée. Étouffer les poussins indésirables dans des sacs ou des conteneurs n'est pas acceptable. Ceux-ci doivent être tués avant leur élimination »[5].
Méthodes autorisées dans l'Union européenne
Les procédés autorisés de mise à mort des poussins ont été harmonisés au niveau européen. La règlementation initiée en 1976 a évolué en 1993, première directive à prendre en compte spécifiquement les poussins[6], puis en 2009 avec une application prévue à partir du 1er janvier 2013[7] :
- l'utilisation d'un dispositif mécanique entraînant une mort rapide (essentiellement le broyage);
- l'exposition au dioxyde de carbone.
France
En élevage de canards à foie gras, les canetons femelles seraient parfois abattus, car leur foie serait moins bien conformé et moins lourd[8]. Ainsi, seuls les canards mâles sont utilisés dans l'indication géographique protégée (IGP) « Canard à foie gras du Sud-Ouest (Chalosse, Gascogne, Gers, Landes, Périgord, Quercy) »[9].
Suisse
Le broyage des poussins a été interdit dès le , le mode d’abattage au moyen du dioxyde de carbone y reste autorisé[réf. nécessaire].
Devenir des carcasses
Controverse
Les défenseurs des droits des animaux et du bien-être animal soutiennent que les pratiques d'abattage des poussins en vigueur ne sont pas éthiques[10],[11].
Le Land allemand de Rhénanie-du-Nord – Westphalie a essayé en 2013 de faire voter une loi interdisant la pratique du broyage, mais deux élevages avaient opposé un recours. En 2019, la Cour administrative fédérale a donné satisfaction à ces derniers : le broyage reste autorisé pour une durée indéterminée. Les juges ont aussi décidé que cette autorisation devait faire office de « période transitoire »[12] « jusqu’à l’apparition, dans un délai a priori rapproché, de méthodes pour déterminer le sexe dans l’œuf »[13].
Alternatives
De nombreux travaux de recherche appuyés par des fonds publics[14] se sont développés depuis plusieurs années pour trouver une solution plus éthique.
Deux méthodes ont vu le jour récemment permettant de détecter le sexe de l’embryon dans l'oeuf, technique dite de sexage in ovo, évitant ainsi d'avoir à tuer des poussins mâles, avec chacune des avantages et des inconvénients[15] :
- L’université de Leipzig a développé une technique basée sur la projection d’un rayon de lumière à l’intérieur de l’œuf, permettant de détecter la différence entre l’ADN mâle et femelle. Dès novembre 2018, l'entreprise Seleggt qui exploite le brevet, a annoncé la commercialisation de cette technologie[16],[17].
- L’autre méthode, développée aux Pays Bas et en France, se base sur la détection de substances indicatrices du sexe (à priori non invasif).
Notes et Références
- (en) « Hatched, discarded, gassed: What happens to male chicks in the UK », sur independent.co.uk,
- (en) « Unilever working to end the culling of male chicks », sur business-standard.com, (consulté le 5 février 2015)
- (en) « Shocking video shows hundreds of live ducklings 'thrown into mincer' on cruel 'foie gras farm' », sur mirror.co.uk,
- (en) « AVMA Guidelines for the Euthanasia of Animals: 2013 Edition », sur avma.org,
- (en) « Executive Board meets pressing needs - Process for updating euthanasia report, disaster coordinator position approved », sur avma.org,
- CUE, « Directive 93/119/CE du Conseil, du 22 décembre 1993, sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort », JO CE, no JO L 303, , p. 1-30 (lire en ligne) (Consulté le 13/11/2019).
- CUE, « Règlement (CE) n o 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) dans sa version consolidée du 18 mai 2018 », JO CE, no JO L 303, , p. 1-30 (lire en ligne) (Consulté le 13/11/2019).
- « Comment manger du foie gras sans trop se sentir coupable ? », sur francetvinfo.fr,
- « Cahier des charges - Indication Géographique Protégée - Canard à foie gras du Sud-Ouest (Chalosse, Gascogne, Gers, Landes, Périgord, Quercy) », sur inao.gouv.fr,
- (en) « DA asks for more information in chicken chipping case », sur upc-online.org,
- L214, « Broyage des poussins : 36 parlementaires interpellent le ministre Le Foll », sur l214.com, (consulté le 13 novembre 2019). En 2015, l'association L214 a lancé une pétition “Stop au Broyage des poussins”, qui a récolté 120 000 signataires et conduit à un rendez-vous en septembre 2015 avec le Ministre de l'Agriculture.
- Anton Kunin, « Allemagne : la justice refuse d'interdire le broyage de poussins mâles », ConsoGlobe, (lire en ligne).
- Le Monde avec AFP, « La Cour administrative fédérale allemande valide l’élimination industrielle des poussins mâles », sur lemonde.fr, (consulté en 13/13/2019).
- Ines Cussac, « Par quoi remplacer le broyage des poussins? », Le Figaro, (lire en ligne). (Consulté le 13/11/2019)
- « Le sexage dans l'œuf pour éviter la naissance de poussins mâles », sur ovocom.fr, (consulté en 13/13/2019).
- Mathilde Golla, « Une première technique pour éviter de broyer des poussins arrive en France », Le Figaro. Economie, (lire en ligne). En France, l'entreprise PouleHouse met en oeuvre cette technique
- Delphine Nerbollier, « Vers la fin de l’abattage systématique des poussins mâles? », Le Temps, (lire en ligne). (Consulté le 13/11/2019). Cet article pose la question de l'efficacité de la méthode et de la période de transition pour les éleveurs avant de modifier les lois.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- The short, brutal life of male chickens, Elisabeth Braw, Al Jazeera America, .
- Germany Ponders the Super Chicken, Michael Fröhlingsdorf, Der Spiegel, .
- La protection des animaux au moment de leur mise à mort. Synthèse, Eur-Lex, 23.05.2016.
- PouleHouse. Société qui en plus de ne pas tuer les poules pondeuses à 18 mois a démarré en France la technique de «sexage in ovo».
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