Magnificat
Le Magnificat[Note 1] est le cantique chanté par la Vierge Marie après l'Annonciation, lors de la visite qu'elle rend à sa cousine Élisabeth, plus âgée qu'elle et enceinte. Cet épisode est couramment appelé la Visitation. Également intitulé Cantique de Marie, ainsi que Cantique de la Vierge, le Magnificat est tiré de l'Évangile de Luc, 1, 46-56.
Origine
Inspiré du cantique d'Hanna, la mère du prophète Samuel (Premier livre de Samuel, dans la Bible), il souligne le lien profond entre l'Espérance et la Foi chez le croyant (tant juif que chrétien).
« Magnificat » est le premier mot (l’incipit) de la traduction latine de ce chant de louange. Il fait partie des liturgies romaine (pour l'office du soir, les Vêpres) et byzantine (aux matines, c'est le seul cantique biblique toujours psalmodié dans le cadre de l'ode qui s'y réfère au sein du canon), et a inspiré de nombreuses œuvres musicales. Chez les protestants, seule l'Église anglicane utilise ce chant, de manière quotidienne, pour le culte du soir, usage préservé du passé catholique.
Le texte grec et diverses traductions
Texte grec original[Note 2] | Texte français (version traduite du grec) | Texte latin [Note 3]. | Texte français (traduction officielle)[1] |
Μεγαλύνει ἡ ψυχή μου τὸν Κύριον, καὶ ἠγαλλίασε τὸ πνεῦμά μου ἐπὶ τῷ Θεῷ τῷ σωτῆρί μου. | Mon âme magnifie le Seigneur, Et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur. |
Magnificat anima mea Dominum, Et exsultavit spiritus meus in Deo salvatore meo. |
Mon âme exalte le Seigneur, Exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! |
Ὅτι ἐπέβλεψεν ἐπὶ τὴν ταπείνωσιν τῆς δούλης αὐτοῦ· ἰδού γάρ, ἀπὸ τοῦ νῦν μακαριοῦσί με πᾶσαι αἱ γενεαί. | Car il a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante, Voici que désormais toutes les générations me célébreront. |
Quia respexit humilitatem ancillae suae. Ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes. |
Il s'est penché sur son humble servante ; Désormais, tous les âges me diront bienheureuse. |
Ὅτι ἐποίησέ μοι μεγαλεῖα ὁ Δυνατός, καὶ ἅγιον τὸ ὄνομα αὐτοῦ, καί το ἔλεος αὐτοῦ εἰς γενεάν, καὶ γενεὰν τοῖς φοβουμένοις αὐτόν. | Car il fit pour moi de grandes choses, celui qui est puissant, Et saint est Son nom et Sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui Le craignent. |
Quia fecit mihi magna qui potens est. Et sanctum nomen eius. |
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! |
Ἐποίησε Κράτος ἐν βραχίονι αὐτοῦ, διεσκόρπισεν ὑπερηφάνους διανοίᾳ καρδίας αὐτῶν. | Il a déployé la puissance de son bras.Il a dispersé les orgueilleux pour les pensées de leur cœur. | Et misericordia eius in progenies et progenies timentibus eum.Fecit potentiam in brachio suo. |
Sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, |
Καθεῖλε δυνάστας ἀπὸ θρόνων, καὶ ὕψωσε ταπεινούς, πεινῶντας ἐνέπλησεν ἀγαθῶν, καὶ πλουτοῦντας ἐξαπέστειλε κενούς. | Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles.Il a comblé de bien les affamés et renvoyé les riches les mains vides. | Dispersit superbos mente cordis sui. Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles. |
Il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. |
Ἀντελάβετο Ἰσραὴλ παιδὸς αὐτοῦ, μνησθῆναι ἐλέους, καθὼς ἐλάλησε πρὸς τοὺς Πατέρας ἡμῶν, τῷ Ἀβραάμ, καὶ τῷ σπέρματι αὐτοῦ ἕως αἰῶνος. | Il a pris soin d'Israël, son enfant en se souvenant de sa miséricorde,Comme il l'avait dit à nos Pères, à Abraham et à sa descendance jusque dans les siècles. | Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes. Suscepit Israël puerum suum, recordatus misericordiae suae. |
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël, son serviteur, il se souvient de son amour, |
Sicut locutus est ad patres nostros, Abraham et semini eius in saecula. | De la promesse faite à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa descendance, à jamais. |
Œuvres musicales
Dans la liturgie catholique en latin, le Magnificat est chanté lors du service de vêpres, c'est-à-dire l'après-midi. Il est alors associé à plusieurs psaumes.
Œuvres vocales
On peut d'abord citer des œuvres autonomes :
- Trente-cinq Magnificat de Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525/26 - 1594).
- Une centaine de Magnificat de Roland de Lassus (1532-1594).
- Le Magnificat de Luca Marenzio (1553-1599).
- Le Magnificat de Mikołaj Zieleński à trois chœurs (1550-1615).
- Le Magnificat de Heinrich Schütz (1585-1672).
- Six Magnificat de Jean-Baptiste Geoffroy (1601 - 1675)
- Le Magnificat d'Henry Du Mont (1610-1684).
- Le Magnificat de Dietrich Buxtehude (1637-1707).
- Le Magnificat de Johann David Heinichen (1638-1729).
- Dix Magnificat de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), de H.72 à H.81
- Deux Magnificat à 3 parties de Loui-Nicolas Clérambault (1676 - 1749) opus 136 et opus 154
- Plusieurs Magnificat de Johann Pachelbel (1653 - 1706)
- Le Magnificat en do de Johann Kuhnau (1660-1722).
- Le Magnificat en sol mineur (RV 610/611) d'Antonio Vivaldi (1678-1741).
- Plusieurs Magnificat de Jan Dismas Zelenka (1679-1745).
- Le Magnificat en ré majeur (BWV 243) de Johann Sebastian Bach, qui est certainement le plus connu.
- Le Magnificat de Francesco Durante (1684-1755).
- Le Magnificat de Domenico Scarlatti (1685-1757).
- Le Magnificat de Charles Levens (1689-1764)
- Le Magnificat de Melchior Hoffmann (composé en 1707).
- Le Magnificat de Domenico Cimarosa (composé vers 1785).
- Le "Magnificat" dans les Vêpres en Fa Majeur de Michael Haydn (1737-1802).
- Douze Magnificat de François Giroust (1737-1799)
- Le Magnificat de Felix Mendelssohn (composé en 1822).
- Le Magnificat de Franz Schubert (1797-1828).
- Le Magnificat de Ralph Vaughan Williams (1872-1958).
- Le Magnificat de Goffredo Petrassi (1939).
- Le Magnificat de Jan Hanuš (1941).
- Le Magnificat de Alan Hovhaness (1958).Lle Magnificat de Krzysztof Penderecki (1974).
- Le Magnificat de Jean-Louis Florentz (1979-1980).
- Le Magnificat d'Arvo Pärt (1989).
- Le Magnificat de John Rutter (1990).
- Le Magnificat de Urmas Sisask (1990).
- Le Magnificat de John Tavener (1994).
- Le Magnificat de Vladimír Godár (2004).
- Le Magnificat de György Orbán (1947 - ).
- Le Magnificat de Naji Hakim (1980 - ).
- Le Magnificat de Wojciech Kilar (1932-2013) publié en 2006.
- Le Magnificat de Yves-Marie Pasquet créé le .
- Les Magnificat et Magnificat de Fourvière de Roger Calmel (1920-1998).
- Le Magnificat de Kim André Arnesen (1980) (pour chœur de femmes ou chœur mixte, soprano solo, cordes, piano et orgue (2010).
- Le Magnificat en la majeur d'Arnaud François (1984 - ) pour choeur, solistes et orchestre de chambre (2010).
- Le Magnificat - Vita beatæ Virginis pour 8 voix et violoncelle de Christophe Looten (2014).
- Le Magnificat de la Paix pour soliste soprano, choeur, ensemble de cuivres, orgue et percussions, de Marc Henric (2016).
Il peut faire partie d'une composition plus vaste :
- Il termine le Vespro della Beata Vergine (les Vêpres de la bienheureuse Vierge Marie) de Claudio Monteverdi (Venise, Basilique San Marco, 1610), mais on trouve aussi, du même compositeur, un Magnificat à six voix dans le recueil de pièces sacrées intitulé Selva morale e spirituale (« Forêt morale et spirituelle »).
- Dans la liturgie anglicane, le Magnificat est associé au Nunc dimittis (cantique de Siméon), et est partie intégrante de tout service. De nombreux compositeurs de confession anglicane ou catholique ont écrit des "Services", parmi lesquels Orlando Gibbons (Short Service et Second Service), Thomas Tallis, et William Byrd.
- Dans la Dante Symphonie de Franz Liszt (1811-1886), composée en 1855, il constitue le troisième mouvement, musicalement lié au second (Purgatorio, en français Purgatoire), et est écrit pour orchestre et chœur de femmes (ou d'enfants).
Magnificat pour orgue
De nombreux organistes français des XVIIe et XVIIIe siècles ont écrit des versets, généralement 6, pour toucher à l’orgue en alternance avec les versets chantés :
- Pierre Attaingnant : Magnificat sur les huit tons avec Te Deum laudamus et deux Préludes (1530)
- Jehan Titelouze : Le Magnificat ou Cantique de la Vierge pour toucher sur l’orgue suivant les huit tons de l’Église (1626).
- Nicolas Lebègue : 8 Magnificat dans le Second Livre d’orgue (1678).
- Anonyme : Le Livre d’orgue de Montréal, 11 magnificat (v. 1700).
- Jean-Adam Guilain : Pièces d’orgue pour le Magnificat, 4 suites (1706).
- Michel Corrette : Premier Livre d’orgue : 4 magnificat (1737).
- Jean-François Dandrieu : Premier Livre de pièces d’Orgue, 6 magnificat (1739).
- Michel Corrette : Deuxième Livre d’orgue : 4 magnificat (1750).
- Claude Balbastre : Magnificat du 1er ton, du 5e ton
- Monsieur Le Clerc : Journal de Pièces d'Orgue (1780), 4 magnificat
- Jean-Jacques Beauvarlet-Charpentier : 3 Magnificats (sic), op. 7 (v. 1785).
- Jean-Jacques Beauvarlet-Charpentier : Journal d’Orgue no. 3 : 2 magnificat (1784).
- Jean-Jacques Beauvarlet-Charpentier : Journal d’Orgue no. 9 : 2 magnificat (v. 1786).
- Guillaume Lasceux : Suites de pièces d’orgue : 2 magnificat (1812).
- Guillaume Lasceux : Annuaire de l’Organiste (1819) : 8 magnificat dans tous les tons (les huit tons d'église)
En Italie et en Allemagne :
- Girolamo Cavazzoni : 2 magnificat dans le Premier Livre (1543), et 2 autres dans le second livre.
- Adriano Banchieri : Magnificat dans L'Organo Suonarino, Op. 13 (1605).
- Girolamo Frescobaldi : 3 Magnificat dans Il secondo Libro di Toccate..., (1627).
- Giovanni Battista Fasolo : 8 Magnificat dans son recueil Annuale op. 8 (1645).
- Johann Sebastian Bach : Fuga sopra il Magnificat BWV 733 (parfois attribuée à son élève Johann Ludwig Krebs); choral «Schübler» no 4 Meine Seele erhebt den Herren, BWV 648.
- Heinrich Scheidemann, Samuel Scheidt, Melchior Schildt, Dietrich Buxtehude (BuxWV 203, 204, 205), Franz Xaver Murschhauser et Johann Pachelbel ont aussi écrit des versets et des fugues pour le magnificat.
Au XIXe siècle :
- Edmond Lemaigre : 2 Magnificat dans le 3e Cahier des Nouvelles Pièces pour orgue (1885).
Au XXe siècle :
- Marcel Dupré : 15 Versets pour les Vêpres du Commun des Fêtes de la Sainte Vierge, Op. 18 : 6 versets pour le magnificat (1920).
- Charles Tournemire : Postludes libres pour des Antiennes de Magnificat, Op. 68, pour orgue sans pédale ou harmonium (1935).
Liens externes
- YouTube chant grégorien avec antienne Exsultet omnium par les chantres et le chœur de l'abbaye Notre-Dame de Fontgombault (interprétation sémiologique)
- YouTube Jean-Adam Guilain, Pièces d'orgue pour le Magnificat, Suite du Second Ton par Paolo Crivellaro à l'orgue Mascioni de la cathédrale St.Mary's (Tokyo), en altenance avec un chœur.
- YouTube Claude Balbastre, Magnificat du 1er ton, par Marina Tchebourkina à l'orgue de l'église Saint-Roch (Paris).
- YouTube Marcel Dupré, Magnificat VI - Gloria-Finale (Op. 18), par Dragan Trajer.
- Youtube chant grec, avec le refrain « Toi, plus vénérable que les Chérubins » à la neuvième du canon.
Notes et références
Notes
- Le « t » final se prononce.
- Le texte grec est divisé différemment de celui qui le traduit dans la Vulgate latine. La troisième section comprend aussi « et Sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent. » Par la suite, les versets suivants sont donc décalés.
- Le texte latin a changé après la publication de la nouvelle Vulgate en 1986. Par rapport à l'usage ancien, tel qu'on peut l'entendre chanté dans les Magnificat classiques tels celui de Bach, le nouvel usage comporte quelques différences. Celles-ci font débat : de nombreux croyants ne comprennent pas la nécessité de ces changements. On trouvera ci-dessous le texte ancien, dans lequel les changements ont été marqués en gras :
Magnificat anima mea Dominum,
et exsultavit spiritus meus in Deo salutari meo.
Quia respexit humilitatem ancillae suae.
Ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes.
Quia fecit mihi magna qui potens est.
Et sanctum nomen eius.
Et misericordia eius a progenie in progenies timentibus eum.
Fecit potentiam in brachio suo.
Dispersit superbos mente cordis sui.
Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles.
Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes.
Suscepit Israël puerum suum, recordatus misericordiae suae.
Sicut locutus est ad patres nostros, Abraham et semini eius in saecula